Première partie
LA LÉGÈRETÉ ET LA PESANTEUR
3
Il s’accablait de reproches, mais il finit par se dire que c’était au fond bien normal, qu’il ne sût pas ce qu’il voulait :
On ne peut jamais savoir ce qu’il faut vouloir car on n’a qu’une vie et on ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures.
Vaut-il mieux être avec Tereza ou rester seul ?
Il n’existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne car il n’existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois sans avoir jamais été répété. Mais que peut valoir la vie, si la première répétition de la vie est déjà la vie même ? C’est ce qui fait que la vie ressemble toujours à une esquisse. Mais même « esquisse » n’est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l’ébauche de quelque chose, la préparation d’un tableau, tandis que l’esquisse qu’est notre vie n’est l’esquisse de rien, une ébauche sans tableau.
Tomas se répète le proverbe allemand : einmal ist keinmal, une fois ne compte pas, une fois c’est jamais. Ne pouvoir vivre qu’une vie, c’est comme ne pas vivre du tout.